Des mangas pour ceux qui n'aiment pas les mangas : 20th Century Boys

Ta mère en cosplay à la Japan Expo !

Aujourd'hui, même le plus obtus des détracteurs de mangas admettra que le genre ne contient pas uniquement des séries pour ados avec des personnages aux grands yeux et des cheveux pointus se battant contre des monstres difformes pour sauver des écolières en mini-jupe. Mais une fois qu'il aura concédé ceci, notre détracteur n'ira pas plus loin, se disant que chercher un bon titre au milieu d'un océan de petits tomes au format poche n'en vaut pas la peine. C'est pour lui que Hu-Mu commence une nouvelle série de billets (destinée, comme toutes les autres que j'ai déjà lancées sur ce blog, à rester inachevée) : "des mangas pour ceux qui n'aiment pas les mangas". Fan d'anime et de manga, passe ton chemin, tu ne découvriras aucun titre qui te soit inconnu et la façon dont on parle de ton genre préféré te hérissera certainement le poil.


20th Century Boys

On commence avec un titre d'un des plus européens des auteurs de manga, Urasawa. En 1997, Kenji est un célibataire endurci élevant avec sa mère sa petite nièce, et reconverti gérant d'épicerie de quartier après une carrière de rocker avortée. Sa vie tranquille vole en éclats quand réapparaît dans sa vie le symbole du club secret qu'il avait constitué, entre 1969 et 1973, avec ses meilleurs copains. Ce symbole est aujourd'hui devenu celui d'une secte, menée par un mystérieux gourou se faisant appeler "Ami". Kenji acquiert rapidement la certitude que ce gourou est forcément un de ses amis d'enfance, qui a mis en branle le plan de conquête du monde qu'ils avaient prêté à leur ennemi imaginaire, et qui culminait avec la fin du monde lors du réveillon de l'an 2000.

20th Century Boys, c'est un récit-fleuve de 24 tomes (Les deux derniers portent le titre de 21th Century Boys), opérant des allers-retours entre les périodes, utilisant abondamment les ellipses, et fourmillant de personnages. La construction, très ambitieuse, désarçonne parfois : on suit pendant un moment les événements pendant une période donnée, puis, avant même d'arriver au climax, le récit fait un saut de 10 ans dans l'avenir en introduisant un nouveau personnage, avant de revenir 30 ans plus tôt pour révéler un autre moment de l'enfance de Kenji et ses potes, etc.


J'avoue une tendresse particulière pour le genre du "Bildungsroman", particulièrement quand il s'acoquine avec le fantastique. Ça de Stephen King ou Nuit d'été de Dan Simmons me viennent immédiatement en tête. Si le suspense du récit est de très bon niveau, les flashbacks de 20th Century Boys sont les meilleurs moments : l'auteur arrive à recréer cette période tendre et cruelle, à la charnière entre l'enfance et l'adolescence, où les rêves n'ont pas encore été douchés par la réalité. Les journées d'été de la bande de Kenji sont emprunts d'une nostalgie douce-amère qui révèle la grande sensibilité de Kurasawa. Le premier homme sur la lune, la découverte du rock'n'roll (avec le morceau qui donne son nom à la BD), l'exposition universelle de 70, sont autant de jalons qui rythment les années de jeunesse de Kenji est ses copains.


La perfection n'est pas de ce monde, et ce manga n'est pas exempt de défauts. Sa longueur en est évidemment un, l'auteur ne parvenant pas à maintenir le même niveau d'intérêt tout au long des 24 tomes. L'ultime rebondissement avant la fin est en complet décalage avec le reste du récit, mais avant d'y arriver, il faudra une certaine dose de patience : certains "plots" destinés à maintenir le suspense sont de trop, la surenchère donnent l'impression de n'avoir que pour but de prolonger l'histoire d'un tome ou deux. De plus, tous les personnages ne sont pas du même niveau d'intérêt : le jeune policier ou la lycéenne hystérique, sont de trop. Enfin, le zeste de surnaturel qui saupoudre le récit est totalement superflu : c'est trop léger pour qualifier l'oeuvre de fantastique, mais ça empêche de la dire totalement réaliste.


Ces bémols ne doivent pas vous empêcher de lire la BD, dont les qualités sont nombreuses : son ambition, sa complexité, ses personnages (masculins comme féminins, avec des femmes pugnaces, intelligentes et autonomes, qu'elles soient du côté des bons ou non), ses différentes ambiances ou ses références à la culture populaire (les mangas, la SF, les complots, ...), et, bien sûr, le trait simple, clair et soigné du dessin d'Urasawa.

Deux sites de référence sur la série :
http://labandeakenji.free.fr
http://www.labasesecrete.fr

Pour finir en musique, voici la vidéo du titre qui donne son nom à l'oeuvre, suivie de la prestation de Urasawa à la Japan Expo, où il a joué la chanson de son héros, Kenji.






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