Show Me a Hero


Une mini-série HBO scénarisée par David Simon avec Oscar Isaac dans le rôle principal : j'ai dit oui sans réfléchir comme un chroniqueur de Télérama qui se jette sur le nouveau film des frères Dardenne dès qu'il entend les mots misère sociale, plan-séquence, silence inconfortable et acteurs non professionnels.

Tout commence dans les années 80 quand Nick Wasicsko, ancien flic devenu conseiller municipal démocrate de la riante ville de Yonkers dans l'état de New York, se met en tête de devenir maire. C'est un peu un Jean-François Copé dans son genre : il en a toujours rêvé, sauf qu'à la différence de Jeff, il n'est pas prêt à toutes les compromissions pour y arriver. Enfin, pas au début. Mais il se trouve qu'il a un truc qui le différencie de l'actuel maire républicain (avec qui il a voté pourtant la majorité des propositions du conseil) : une vague histoire de logement social dont un juge cherche à forcer l'implantation dans les quartiers blancs. Toujours est-il que Wasicsko promet qu'il va s'y opposer et qu'il gagne in extremis un mandat de deux ans. Youhou ! La lune de miel est toutefois de courte durée : la justice confirme vite que ce projet immobilier doit se faire fissa, sinon la ville va devoir payer des amendes astronomiques. Manque de bol pour le maire de 28 ans, il n'a aucun majorité au conseil et va se retrouver coincé entre des électeurs en colère et des politiciens voulant se faire réélire.

C'est donc une série de 6 épisodes sur les magouilles municipales. Pass me the salad and I'll give you the rhubarb, comme ils disent là-bas. Mais pas que. C'est surtout une histoire de mixité sociale. Les quelques électeurs qui s'opposent à la construction de 200 logements sociaux (pour une population totale de 200 000 habitants) avancent bien évidemment au départ des arguments économiques (ça va faire baisser la valeur de nos maisons), mais très rapidement on se rend compte que c'est une façade pour cacher des motifs bien plus racistes. Car le juge qui force la main de  Yonkers est juif et ne réside pas dans les quartiers concernés. Pas plus que le maire (même s'il est d'origine modeste). On ne veut pas de ça chez nous, c'est pas des gens comme nous. Ils seront locataires, ils ne respecteront pas leur voisinage alors que nous, nous avons trimé toute notre vie pour avoir le droit à cette tranquillité entre membres de la communauté polonaise ou italienne.

Et loin de se contenter de raconter cette histoire vraie (qui a donné d'abord lieu à un bouquin signé par une journaliste du New York Times) d'un unique point de vue, la narration s'attarde aussi sur le parcours de vie de certaines familles qui sont destinées à vivre dans ces logements sociaux. Des mères monoparentales, des mères-filles, des handicapés... On suit même de loin en loin un couple bien blanc qui se radicalise avant de comprendre qu'il ne peut rien faire contre ces mesures antiségrégationnistes. Le maire lui-même n'est pas décrit comme un militant : s'il finit par défendre cette cause, c'est au départ qu'elle l'emmerde et que, pragmatique, il finit par accepter cette décision fédérale. Mais quand il s'acharne à vouloir faire adopter cette mesure pour éviter la banqueroute à la ville, il va évidemment tout perdre, et rétrospectivement, son combat va devenir d'une grande importance. Mais ce n'est pas un activiste de la lutte sociale, il ne fait que ce qui lui semble juste sur le moment.

Ça se passe majoritairement dans les années 80, alors ça résonne des chansons de Bruce Springsteen et une de Public Enemy (par exemple). Les femmes portent des lunettes dont les verres correctifs font au minimum un mètre carré. Le maire possède un bipeur.

Bref, si ces concepts d'urbanisme vous intéressent, si vous aimez haïr des hommes politiques, si vous n'avez pas peur de suivre pendant près de 6 heures un personnage central qui porte une moustache et que vous ne faites pas une allergie à la culpabilité blanche, Show Me a Hero contient tout ce qui fait la force de David Simon. De l'authenticité. Des petites gens. Un certain atavisme social. Des femmes dignes et des hommes veules.

Ah oui, pourquoi ce titre ? C'est une citation attribuée à F. Scott Fitzgerald : Show me a hero and I'll write you a tragedy. Wasicsko vous démontrera que la vie politique municipale, ce n'est pas manger une belle tartine de merde. Non, c'est bouffer devant témoin une tartine dont les deux faces sont couvertes de merde et se rendre compte qu'on en reprendrait bien volontiers une autre si seulement ça nous permettait de rester en poste 2 ans de plus.

Évidemment, ça fait une intrigue secondaire du tonnerre pour D3, mais ça, vous vous en doutiez déjà...

Commentaires

  1. Faudrait que je fasse un billet sur Baron noir, qui mérite qu'on en dise du bien, mais j'arrive pas à trouver l'énergie de dire du bien de Kad Mérad.

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